Pierre a été «grouillot», embauché en intérim ou en CDD. Il y a huit ans, il a tout arrêté, préférant s'investir dans l'aïkido. A 30 ans, il vit chez ses parents.
«J'ai toujours vu mes parents travailler. Tôt le matin, mon père partait avec sa gamelle, il était ouvrier. Ma mère, standardiste, allait au bureau, même malade. "Pas de problème, j'arrive", disait-elle. A la fin de sa carrière, elle s'est fait jeter comme une malpropre. Vingt ans de maison. Mes parents n'ont jamais rien dit. Pour eux, la vie est ainsi. Je ne suis pas d'accord.
Curriculum. J'ai commencé à travailler à 17 ans, je n'ai pas fait d'études. J'ai rangé des bouteilles dans un supermarché, j'ai été grouillot à La Défense. Je triais le courrier dans une entreprise, censé remplacer un employé en dépression. Mais, malgré son arrêt maladie, il venait tous les jours. Il était flippé, obsédé par le travail bien fait. C'était un gars gentil mais pathétique.
J'ai tout connu dans le travail : des ambiances horribles ou agréables comme dans cette entreprise publique où je suis resté deux ans. Je pouvais arriver en retard, aucune remarque. Un jour, je me suis endormi sur mon bureau, le chef n'a rien dit. J'ai l'impression que tout le monde faisait un peu pareil. J'aurais pu rester, mais je ne supportais pas la routine.
J'ai changé, pris des missions d'intérim. L'une ressemblait à de l'esclavage. Il fallait nettoyer des frigos sur des salons professionnels. J'étais le seul Blanc. Les autres se faisaient traiter comme des