Edgar Morin aime à se définir comme un «braconnier du savoir». Depuis cinquante ans, il s'intéresse à la complexité croissante de la connaissance scientifique et à ses interactions avec les questions humaines, sociales et politiques. Sociologue de formation, il refuse d'être limité à sa première discipline et préfère embrasser au CNRS, où il est directeur de recherche émérite, un champ de connaissances plus vaste: philosophie, économie, politique, écologie ou encore biologie... Il s'efforce de tout penser ensemble car, à ses yeux, il n'y a pas de pensée qui corresponde à la nouvelle ère planétaire. Nous continuons à segmenter, séparer, compartimenter, isoler, là où il faudrait au contraire relier. A situation mondiale, réponse mondiale, plaide Edgar Morin d'ouvrage en ouvrage. Il était donc logique de l'interroger sur la confrontation des sommets de Davos et de Porto Alegre.
Que vous a inspiré la tenue simultanée du forum économique de Davos en Suisse et du premier forum mondial de Porto Alegre au Brésil? Ces deux dernières années avec les événements de Seattle en 1999, Prague et Nice en 2000 ... sont-elles de celles qui marquent l'histoire?
Le face-à-face a commencé fin 1999 à Seattle d'une façon assez improvisée. Quelque chose de nouveau s'est produit. Les opposants à la mondialisation néolibérale se sont rendu compte qu'à problème mondial, la réponse ne pouvait être que mondiale.
A Porto Alegre, il y a eu effort pour passer des refus à des propositions de portée planétaire. La possibilité d'une alternative avait disparu avec l'effondrement de l'URSS qui fut aussi l'effondrement d'un modèle dit socialiste. Le modèle social-démocrate, de son côté, était arrivé depuis longtemps à épuisement. Les opposants au néolibéralisme économique ne pouvai