C'est une imposante bâtisse de brique rouge, dans le Xe arrondissement de Paris. Aux fenêtres, flotte une timide banderole: «Facteurs en grève, poste occupée.» Sur le pavé, une dizaine d'usagers se cassent le nez sur les grilles bleues, fermées depuis le 29 janvier. La grogne monte, dans le froid, devant le principal centre de distribution du Xe. La même saynète se répète, en boucle: des habitants en colère passent devant le bâtiment, le temps de s'emporter contre «les fainéants de fonctionnaires» ou «les facteurs qui retiennent en otage les feuilles d'impôt et les factures». Depuis douze jours, les syndicats du centre principal de distribution du Xe (256 salariés au total pour les bureaux de poste de l'arrondissement) réclament la création de six postes, inscrits au règlement intérieur.

Chaînes de sécurité. Derrière la grille, un employé s'approche. Une femme brandit son passeport pour obtenir un pli urgent. «C'est un Chronopost, la clé de mon appartement est dans l'enveloppe.» Elle est servie. Gilles, 53 ans, gardien d'immeuble, tente sa chance : «Moi, c'est ma paie qui croupit là depuis dix jours.» Pas de réponse. Gilles tempête: «C'est pas toi qui vas couvrir mon découvert ou solder mes agios.» L'employé pose deux chaînes de sécurité, puis un cadenas, tranquillement. Principe de précaution. Le matin même, un petit groupe d'esprits échauffés a brisé la serrure avant de pénétrer jusqu'au bureau des réclamations où les grévistes claquemurés entassent le courrier non distribu