Les machines mécanographiques utilisées par les administrations et l'industrie, au coeur du livre d'Edwin Black sur leur utilisation par les nazis, ne sont pas des ordinateurs. C'est pourtant à la même période que l'informatique moderne apparaît, mais dans les laboratoires. «Les ordinateurs sont le fruit de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide», dit Pierre-Eric Mounier-Kuhn.
La première rupture date du milieu de la guerre, en réponse aux besoins des armées en matière de calcul balistique ou de décryptage des communications de l'ennemi. Idée: remplacer les rouages mécaniques des machines à cartes perforées par des composants électroniques et notamment des tubes à vide utilisés jusque-là pour les radios ou les radars. En 1943, le Colossus est conçu selon ce principe: bâti à Bletchey Park, à côté de Londres, il sert à casser les codes de la machine Enigma, utilisée par les Allemands. Cet engin, qui occupe une grande pièce, est manipulé par des opérateurs avec des bandes perforées et des fiches électriques, comme sur un standard téléphonique.
100 000 fois plus vite. En réduisant le temps de décryptage de plusieurs semaines à quelques heures, le Colossus a ainsi facilité le débarquement en Normandie. On peut aussi citer l'Eniac américain (30 tonnes, 19 000 tubes), construit dès 1943 pour améliorer les calculs balistiques. Ces calculateurs électroniques traitent l'information près de 100 000 fois plus vite que leurs cousins mécaniques. Ce passage de la mécanique à l