Un jour d'interview dans un studio de France Inter, Jean-Marie Cavada, l'ancien animateur de «La Marche du siècle» et actuel président de Radio-France, glisse à Marie-France Hirigoyen: «Ce n'est pas très télégénique votre truc...»
Il aurait mieux fait de se taire. En deux ans et demi, le premier ouvrage de cette femme sans réseau, ni intellectuel ni politique, édité d'abord à 5000 exemplaires par une maison d'édition spécialisée, est devenu un best-seller (390 000 exemplaires). Mais de phénomène éditorial et médiatique largement traité, le Harcèlement moral (1) a surtout tourné au quasi-séisme sociologique. Une souffrance, exprimée individuellement dans le secret de son cabinet de psychiatre, rue Racine, à Paris, s'est transformée en norme juridique opérante et collective, qui sera inscrite dans le code du travail au printemps. Le concept de «harcèlement moral» figure texto dans un projet de loi gouvernemental, voté en première lecture le 11 janvier dernier. Deux directives communautaires sont à l'étude et le Parlement portugais examine lui aussi la question... Tous les symptômes d'un rêve social éveillé?
Invention lexicale géniale
D'ordinaire, les médias récupèrent un phénomène existant. Ici, c'est l'inverse: à la sortie du livre, en septembre 1998, la première émulsion est avant tout médiatique. Les journalistes de presse écrite sont les premiers «agents transmetteurs», avant les victimes. Presse féminine et news magazine d'abord (Cosmopolitan, l'Express), puis presse généraliste (du Monde à Bonne Soi