«Dis, jusqu'à quel âge, tu comptes ramasser des vers ?...» en fait, les «pelouzmen» de la baie de l'Orne n'en savent rien, et c'est inquiétant. Dans cette région de bord de mer, une petite centaine d'hommes et de femmes vivent du ramassage de la pelouse, un ver apprécié des pêcheurs à la ligne. En cuissardes, large râteau en main, le dos courbé, ils passent leurs journées à remuer la vase, plutôt heureux : «On rentre dans le ver, on n'en repart pas», mais sans avenir. Le premier épisode de la série Petits Contes économiques consacrée aux économies parallèles, celles des bidouillages et des petits arrangements, raconte le quotidien de ces pêcheurs à pied soumis à des logiques de rentabilité sur lesquelles ils n'ont aucune prise. Le mareyeur local, leur client unique, leur impose prix et quantité, distribue le travail aux bons, un peu moins aux moins bons... et organise leur perte, en important et commercialisant des vers venus d'autres contrées du monde, «le client aime la diversité», qui seront bientôt mis en élevage et tueront le métier. Mais quoi faire ? Le pelouzman ne le sait pas, et, de tout manière, il n'est pas un animal à sang chaud. Il se plaint d'être mal payé, «360 F pour 100 boîtes, et il faut une dizaine d'heures de travail pour les remplir», mais au lieu de réclamer de concert, il tire dans les pattes de ses petits copains. «Il y en a qui mettent plus de vers par boîte pour se faire bien voir du mareyeur, ils cassent le boulot des autres.» Il voudrait un meille
Critique
Les ramasseurs de vers en eaux troubles
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par Nadya CHARVET
publié le 13 mars 2001 à 0h01