Jusqu'ici tout va bien. C'est ce que se disaient encore les quelque 30 000 salariés de Moulinex au début des années 80, époque à partir de laquelle les choses sont allées de mal en pis faute d'une vision stratégique pertinente et sous les coups imprévisibles de la mondialisation. L'histoire, véritable success story à la française, avait pourtant brillamment commencée. En 1932, Jean Mantelet, inventeur tout ce qu'il y a de pratique, s'attelle à la fabrication du premier presse-purée et du premier moulin à légumes, fabriqués dans l'usine d'Alençon (Orne). Il fait un tabac, «libère la femme» à lui tout seul, comme le claironne la réclame de ces années-là.
Premiers nuages. Pendant cinq décennies, Moulinex prospère et ne voit pas venir les nuages qui menacent. Le premier accident de parcours remonte à 1985: sans s'en douter, les salariés de la maison, habitués à un modèle social paternaliste quasi familial, vont peu à peu se transformer, de plan social en plan de redressement, en «variables d'ajustement économique», comme disent les boursiers. Car les premières pertes apparaissent. Le leader européen du petit électroménager n'a pas vu venir le gros ralentissement économique qui s'installe, pas plus qu'il n'a hésité à investir 600 millions de francs (91,4 millions d'euros) en trois ans dans les fours à micro-ondes. Supposés devenir l'alpha et l'omega de la ménagère moderne, ces fours vont être si durement concurrencés par leurs équivalents asiatiques, beaucoup moins chers, qu'ils d