Troyes envoyé spécial
Pour un peu, Régine Rodriguez s'excuserait en ouvrant la porte du local syndical : «Ne faites pas attention, nous avons les vigiles dans l'usine en ce moment», dit doucement la secrétaire du syndicat CGT de l'usine Devanlay, où l'on fabrique la célèbre maille Lacoste. De temps à autre, les salariés d'un plan social précédent se rappellent au bon souvenir de leur ex-employeur. Les graffitis sur les murs, «voleurs, salauds», maculent la peinture fraîche censée couvrir les traces du conflit précédent. Cela n'empêche pas les camions, chaque jeudi, d'embarquer les coupons de tissu vers le Maghreb ou la Roumanie, pour y être assemblés. On appelle ça la «déloc».
Dans la Champagne textile sinistrée, Régine devrait être blindée : «Je suis entrée dans le groupe en 1973. Depuis, j'ai connu 25 plans sociaux. On était 9 000, on est 3 600.»
Déménagement. Du dernier plan, Régine garde un souvenir plus amer que les autres. «La direction nous a convoqués en avril 2000 pour nous annoncer la fermeture de deux ateliers. Un en Haute-Marne, à Saint-Dizier, le plus gros, et l'autre à Joinville. En tout, 315 emplois concernés.» La direction veut faire déménager les «Saint-Dizier» à Troyes. 85 kilomètres qui vont déchaîner la colère : des tonnes de tissu brûlées dans la cour, les machines qui passent au feu. «Je n'avais encore jamais vu les filles devenir violentes. Le choc. La détresse, le désespoir, ça donne des forces incroyables. Nous, syndicalistes, il a fallu qu'on cadre cet