Serge Tchuruk n'est pas l'homme des demi-mesures. Quitte à boire le calice, autant charger la barque. La crise du secteur des télécoms est là. Alcatel, jusque-là relativement épargné, est touché. Alors qu'il avait sorti au premier trimestre des résultats jugés «somptueux», voici que, dans la foulée de l'échec des négociations avec Lucent, l'équipementier annonce brutalement 3 milliards d'euros (20 milliards de francs) de provisions dans ses comptes. C'est bien dans la façon du pdg d'Alcatel. Six ans plus tôt, tout juste arrivé à la tête du groupe, Serge Tchuruk avait tout aussi carrément, devant la piètre santé de la firme, mis de côté 25 milliards de francs pour mieux redéployer ses activités. Juge-t-il l'heure aussi grave? L'Alcatel d'aujourd'hui n'a pourtant plus grand-chose de commun avec celui de 1995, lorsque Tchuruk en prend la présidence.
Panade. A l'époque, l'équipementier est en effet en pleine panade. «Confiné dans le rôle de fournisseur favori de France Télécom, Alcatel exécutait ce que l'opérateur lui demandait de faire», se souvient André Chassagnol, qui suit le secteur chez IC Bourse. Alcatel invente ainsi le E 10, la perle des commutateurs. Mais, si l'on excepte la France, le E 10 «ne fera une brillante carrière qu'en Belgique et au Cameroun». Sous Pierre Suard, le prédécesseur de Tchuruk, et, avant Pierre Suard, sous Georges Pébereau, Alcatel est campé sur une stratégie «un peu vieillotte», juge un économiste: accumuler un maximum de rentes de situation en de