Normalement, au lendemain d'une fusion ratée, chaque camp compte ses abattis. Mais hier, ni Alcatel ni Lucent ne se laissaient aller à une quelconque mélancolie. A Paris, les dirigeants du groupe français avaient tout juste encaissé l'échec de leur projet de rapprochement avec les Américains, qu'ils annonçaient déjà le recentrage de leurs activités sur le service aux opérateurs de télécoms ainsi qu'une restructuration financière massive (3 milliards d'euros provisionnés en 2000-2001, lire ci-contre).
Orgueil d'entreprise. Aux Etats-Unis, au contraire, c'est avec soulagement que la nouvelle a été accueillie. Les divisions au sein du management de Lucent ont contribué largement à l'échec des négociations avec Alcatel (lire Libération d'hier). Les opposants au mariage avec le français ne pouvaient envisager de céder le fleuron de l'industrie de la téléphonie américaine à un groupe étranger. Et une grande partie des 125 000 salariés de Lucent partageait ces réticences. Sur la fin des négociations, alors que les dirigeants de Lucent ferraillaient avec leurs homologues d'Alcatel pour obtenir un partage équitable du pouvoir dans le nouvel ensemble, une sorte d'«ego-corporate» ou encore d'«ego d'entreprise» s'est constitué: on a vu la compagnie se rebiffer contre l'imposteur hexagonal. Ces réticences se reflétaient dans les ultimes discussions entre les deux groupes où il n'a plus été question d'enjeux industriels et stratégiques comment Lucent allait gérer une situation financière