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Libération

Des hommes du bout du monde

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publié le 4 juin 2001 à 1h08

«En travaillant, je me protège»

Samuel, ghanéen, 42 ans, 11 ans de navigation

«J'ai été embauché comme mécanicien, mais je n'ai touché aucun salaire depuis six mois. Je ne suis pas payé, mais tant que l'on me dit de travailler, je travaille. En travaillant, je me protège. Je n'ai pas vu ma famille depuis un an et cinq mois. Je préfère ne pas téléphoner. Je sais seulement que ma femme et mes quatre enfants ont atterri chez mes parents. J'avale ma honte. Pourtant je continuerai ce métier. Parce que quand ça se passe bien, je reste six à dix mois à terre.»

«Le plus dur, c'est de vivre de la charité»

Abdallah, camerounais, 30 ans, cinq ans de navigation

«J'ai embarqué à Romala au Cameroun et signé en novembre 2000 pour six mois et 600 dollars par mois (707 euros), primes comprises. Ma femme et mes deux enfants n'ont jamais reçu d'argent parce que je n'en ai jamais reçu. La dernière fois que je leur ai parlé, c'était il y a deux mois, quand les Amis des marins m'ont donné une carte téléphonique. Mon fils m'a demandé si je serai là pour son anniversaire le 18 septembre. Ma femme a pleuré. J'ai été obligé de faire intervenir Yves Reno, le responsable d'ITF (International Transport Federation), pour qu'elle me croie. Je continue à travailler sur le pont, parce qu'il faut continuer à entretenir le bateau. Le plus dur, c'est de vivre tous les jours de la charité. Depuis cinq mois, je suis incapable d'acheter quelque chose. C'est une sorte de prison.»

«Ne pas travailler, c'est comme une mala