Benjamin Coriat, économiste, professeur à l'université Paris-XIII, prépare pour la rentrée un ouvrage dont le titre L'idéal de liquidité: les mutations de la corporate governance et de l'organisation industrielle en France s'applique très précisément à ce que prépare Alcatel.
Que vous inspire le désengagement du groupe Alcatel?
Malgré son ampleur, ce mouvement est bien dans l'air du temps. On assiste à une tentative des grands groupes d'abaisser leurs coûts fixes par tous les moyens. L'idéal étant, semble-t-il, de rendre les coûts fixes eux-mêmes liquides.
Liquides, c'est-à-dire?
Le propre du capital financier, c'est de pouvoir s'engager et se désengager de manière rapide et libre. Lorsqu'il prend le contrôle du capital productif, il vit cela comme une contrainte. Car le capital productif met du temps à se valoriser. Par des mouvements de ce type (sous-traitance, externalisation, etc.), on cherche à rendre liquides les usines elles-mêmes.
Il y a des précédents. Nike, par exem ple?
C'est un peu le même sujet. Mais avec Nike, on était encore dans une logique de délocalisation à la recherche de bas coûts. Dans le cas d'Alcatel, il semble que, quel que soit le coût, on veuille le rendre liquide: on vend les usines là où elles sont. Il s'agit de transformer le coût fixe en un coût variable en fonction des commandes.
Jusqu'où peut on aller dans ce processus?
C'est le stade maximum. Du point de vue du capital financier, c'est l'idéal absolu. Mais dans mon esprit, ça n'est pas praticable sa