Coutances envoyé spécial
Depuis le local syndical de l'usine d'Alcatel à Coutances, il y a une très belle vue sur le bureau du directeur. Quand on est fâché ou qu'on souhaite un peu d'intimité, on tire les stores. Il y a un mois, en signe d'hostilité, une affiche en papier kraft a été scotchée sur un des carreaux du comité d'entreprise. Depuis son fauteuil, Bruno Cassin, le patron de cette usine de circuits imprimés, pouvait lire: «Coutances sans ses circuits imprimés égale ville déprimée.» Le texte a aujourd'hui disparu, effacé par le soleil. Une triste affichette, jaunie et muette, voilà l'unique signe extérieur de mobilisation des salariés de l'usine de Coutances. Comme si tout était aujourd'hui rentré dans l'ordre. Comme si Serge Tchuruk n'avait jamais annoncé que son groupe supprimerait 14 000 emplois cette année et qu'il mettait en vente six usines françaises, dont celle de Coutances.
«On ne sait rien.» Ce lundi, en début d'après-midi, à l'heure du changement d'équipe, les salariés qui sortent de l'usine évitent de répondre à nos questions. La faute au crachin, aux vacances, à la peur? «On ne peut rien dire, on ne sait rien», lâchent sans même s'arrêter trois collègues de travail. Les autres ne prennent pas la peine de détourner le regard. Un ancien finit par dire: «Quand j'ai appris la nouvelle à la radio, j'ai eu les jambes coupées. C'est vraiment injuste et lâche. En nous vendant, Tchuruk ne veut pas porter la responsabilité des licenciements. Car personne n'est dupe: