Anne et Marine Ram bach sont éditrices. Elles ont créé ensemble les Editions gaies et lesbiennes, une petite entreprise dans laquelle elles jouent tous les rôles, lectrices, correctrices, maquettistes, attachées de presse, et y compris livreurs. Même si leur titre ronflant de «responsables de maison d'édition» pourrait laisser penser le contraire, elles vivent à la petite semaine, sans sécurité financière ni statutaire. De ce paradoxe est né l'idée d'un livre : les Intellos précaires (1).
Ils sont un peu schizophrènes, les intellectuels précaires ?
C'est vrai. Assimilés journalistes, éditeurs, chercheurs, écrivains, ils fréquentent des milieux prestigieux, croisent les gens «qui comptent», travaillent pour des entreprises très connues, ils ont les invitations aux cocktails, aux défilés de mode, mais pas la robe haute couture pour s'y rendre et encore moins les moyens de se la payer. Ce sont des jeunes, souvent diplômés, voire très diplômés, issus généralement de familles aisées qui exercent cent boulots, créent, écrivent, militent, produisent beaucoup mais jonglent sans cesse avec l'argent, sans sécurité de l'emploi, sans couverture sociale pour la plupart, avec des statuts bancals, illégaux, dans des situations parfois désespérées, en tout cas paradoxales.
Comment expliquer qu'ils rejettent pour partie le système, trop violent à leurs yeux, mais acceptent des conditions de travail plus violentes encore ?
Ils font partie de la génération des 25-35 ans qui a approché le marché de