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Libération
Interview

La perméable frontière du bonheur

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Au travail, plaisir et souffrance voisinent, expliquent les sociologues Christian Baudelot et Michel Gollac.
publié le 17 septembre 2001 à 0h50

Christian Baudelot est directeur du laboratoire de sciences sociales de l'école normale supérieure, Michel Gollac, directeur de recherche au Centre d'études de l'emploi. Ensemble, ils ont piloté une enquête sur «bonheur et travail» qui montre que la frontière entre plaisir et souffrance, dans la sphère professionnelle, est très perméable (1). Interview commune des deux sociologues.

Vous avez interrogé des salariés, des indépendants, des patrons, qu'est-ce qui les rend heureux ou malheureux dans le travail?

Nos travaux nous ont permis d'identifier trois profils d'individus. Ceux qui ont un rapport heureux au travail, ceux qui ont un rapport malheureux au travail, et les ni-ni, ni vraiment heureux ni spécialement malheureux, disons en retrait. Les premiers, lorsqu'on les interrogent, mettent en avant l'intérêt qu'ils portent à leur travail. C'est leur «passion». Leur bonheur est très étroitement lié à leur degré d'implication, ils «donnent beaucoup», «font au bureau des choses qu'ils ne pourraient pas faire ailleurs», parfois ­ c'est le cas pour un gros tiers d'entre eux ­ ils souhaiteraient que leurs enfants puissent faire le même métier. Entrent dans cette catégorie majoritairement des cadres supérieurs, des professions libérales. Tous évoquent également les avantages que leur procure leur travail: les «je suis bien payé», «reconnu à ma juste valeur». Leur investissement va de pair avec la reconnaissance. Et puis, il existe aussi une catégorie de satisfaits de «ma sécurité de