A la fin des années 80, le scénario semblait encore plausible: avec l'entrée massive des nouvelles technologies et la montée des services, les conditions de travail allaient s'améliorer «automatiquement». Les résultats d'une enquête sur dix ans de conditions de travail en Europe (1), publiés ce mois-ci, contredisent cette version optimiste et libérale de l'évolution du travail. Quelque 21 500 salariés interrogés dans les 15 pays de l'Union européenne témoignent de sa lente dégradation.
Malgré une réduction générale du temps de travail les salariés travaillent en moyenne 36,5 heures par semaine, soit une heure de moins qu'en 1995 , le travail s'est précarisé, estiment-ils. Il s'est intensifié aussi. Les rythmes de travail sont plus élevés et les délais plus rigoureux. Ces nouvelles contraintes de temps n'ont pas chassé les anciennes. Un tiers des personnes interrogées sont encore soumises à un régime «taylorisé», notamment celles touchées par la flexibilité.
Cette complexification de l'emploi fragilise les individus, psychologiquement et physiquement, même s'ils restent satisfaits de leur travail (à 84 %). «C'est un paradoxe logique, analyse Pascal Paoli, coordinateur de l'enquête. D'une part, on constate de plus grandes responsabilités dans le travail, un travail plus qualifiant ou stimulant (d'où satisfaction), mais d'autre part une intensification (d'où stress).»
Effet pervers de ce régime schizophrène, il divise le monde du travail. «Quand la pression est très forte, il n