Ce jour pluvieux, l'usine émerge dans ses murs de briques sur l'asphalte brillant. Derrière les grilles fermées, il n'y a plus que Michel, ancien ouvrier du site reconverti au gardiennage, tassé dans la guérite à l'entrée. Il y a un an et quatre mois, la filature de viscose de Cellatex, à Givet, fermait après dix jours d'un conflit d'une exceptionnelle violence, marqué par la pollution de la Meuse avec de l'acide sulfurique et les menaces des employés de «tout faire sauter». Il ne reste aucune trace de cette colère, à peine les troncs mutilés des tilleuls dans l'enceinte nettoyée, coupés ras lors du conflit. Un paysage postindustriel figé, parfaitement silencieux, en attente d'être dépollué et rasé. En poursuivant la route qui longe la filature, on passe devant les maisons alignées du «quartier de la Soie», autrefois réservées aux ouvriers de l'usine, qui furent jusqu'à 1 000 dans les années 70. De là, en allant vers la gare SNCF, on arrive à l'Hôtel de l'Univers, locaux désaffectés où la cellule de reclassement a été installée il y a un an. Dans les chambres nues et les salles de bains de l'hôtel, des salles d'entretien ont été improvisées.
Ce jour de septembre, après expiration de son mandat d'un an, la cellule vit ses derniers jours.
Sur 163 salariés, 30 ont retrouvé des CDI (surtout les cadres et maîtrises). 5 femmes. 15 ouvriers sont partis pour Limoges, Lyon, la Belgique ou Marseille. Une vingtaine, les plus âgés, ont été mis sur le chemin de la retraite ou de la préret