François Keller, 44 ans, est entré chez Swissair il y a dix-neuf ans. Ce fut son premier et son seul employeur. Le pilote de ligne livre ici l'amertume et l'insécurité qui prévalent chez les milliers d'employés de la compagnie aérienne agonisante, dont les derniers vols sont prévus en mars.
Comment avez-vous réagi à la crise de Swissair ?
C'est un coup d'assommoir. Je vis au jour le jour. Nul ne sait qui sera licencié et qui gardera son job au sein de la future compagnie. On nous assure maintenant que nous continuerons à voler jusqu'en mars. Mais est-ce vrai ? L'année dernière, la société annonçait 200 millions de francs suisses de bénéfice (135 millions d'euros). En avril, la direction nous assurait que le déficit était de 4 milliards (2,7 milliards d'euros). Mais la comptabilité qui était présentée était fausse. Puisque, en septembre, l'ardoise bondissait à 17 ou 20 milliards (de 11,5 à 13,6 milliards d'euros).
Qu'avez-vous ressenti quand les avions de Swissair ont été cloués au sol ?
Quand une compagnie aérienne n'est plus capable d'acheter de l'essence pour faire voler ses appareils, c'est dramatique. Les banques, qui se disaient disposées à relancer une compagnie aérienne en Suisse, nous ont simplement laissé tomber. Nous avons alors vécu le chaos et la gabegie. Les 40 000 passagers bloqués, les équipages dispersés aux quatre coins de la terre. Le personnel navigant a dû parfois payer de sa poche pour revenir en Suisse. Une anecdote édifiante: des équipages bloqués au Japon