Cormelles-le-Royal
envoyé spécial
«Du fric ou alors boum!» L'affiche pendouille devant le bâtiment d'entrée de l'usine Moulinex de Cormelles-le-Royal, à quelques kilomètres de Caen (Calvados). Au-dessus, une demi-douzaine de bidons bleus et quelques bonbonnes en acier. On reconnaît du butane et de l'acétylène. «Si on n'a pas satisfaction, tout va sauter», résume une ouvrière devant la grille de l'usine. Un syndicaliste CGT assure: «Des bidons et des bonbonnes comme ça, il y en a dans toute l'usine, bien cachés.»
En guise «d'avertissement», un petit local isolé brûle déjà dans l'après-midi, dégageant une fumée noire qu'on sent à deux kilomètres. Le piquet de grève, féminin et goguenard, chante «au feu les pompiers» lorsque le directeur de la sécurité publique du Calvados tente de négocier une intervention pour éteindre l' incendie. Les pompiers eux-mêmes demeurent de marbre devant le feu. Le local est juste rempli de pneus et de machines. L'incendie ne menace pas la grande usine bâtie en 1963, à l'époque pour fabriquer des sèche-cheveux.
Mais les ouvrières laissent planer le doute sur leurs intentions: «Si ce soir on n'a rien, on va monter d'un cran, et ce sera pas un petit bâtiment auquel on s'en prendra», jure une salariée. Les délégués syndicaux, quelquefois brocardés par la base, encaissent. «Je me vois mal me mettre en travers de leur chemin. Et puis, quels arguments ai-je à leur opposer? On n'a aucune perspective», explique Lucien Dejaegher, du Sydis (Syndicat de défense de