Doha envoyés spéciaux
Ruée vers les toilettes de milieu de nuit. Un négociateur européen, un brin en sueur, s'asperge d'eau de Cologne sous les bras. «Si on doit signer, autant sentir bon.» Plus loin, un Anglais assure : «Jusque-là, c'était encore poli, là, on entre dans la logique du rouleau compresseur. Ce cycle, il faut le lancer, coûte que coûte.» Islamabad, pourtant dans les petits papiers de Washington, l'a constaté à ses dépens. Robert Zoellick, secrétaire au Commerce américain, a piqué une telle colère contre le Pakistan lors d'une réunion que le chef de la délégation a claqué la porte. Il a fallu des trésors de diplomatie pour qu'il daigne regagner la réunion.
C'est la dernière nuit. La nuit de mardi à mercredi. Ultimes tractations, ultimes chantages, ultimes propositions. Chacun se prête au petit jeu du poker menteur, garde quelques as dans sa manche, mais tente de convaincre qu'il a beaucoup lâché. Les Etats-Unis ont même fait circuler un argumentaire sur les «dix bénéfices» que ne manqueraient pas de tirer les pays en développement avec le lancement d'un nouveau cycle commercial. «Cela engendrerait entre 90 et 190 milliards de dollars (77 à 162 milliards d'euros)», citent-ils, en exhumant une étude d'un obscur institut économique. Histoire de convaincre les pays récalcitrants, les Américains appellent même en renfort Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, à qui ils prêtent ce mot : «Les pauvres ne sont pas pauvres parce qu'il y a trop de mondialisation, mais p