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Libération

«Je me suis remis à évangéliser»

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publié le 28 novembre 2001 à 1h45

Cher Wim,

Depuis que tu as annoncé notre changement de monnaie, ma vie pastorale a été toute chamboulée. Je suis curé dans le Portugal rural, près de la frontière espagnole, dans un coin oublié de tout et de tous. Ma paroisse se compose de sept villages, où je vais dire les messes. Depuis mai 2000, lorsque l'Eglise catholique a décidé de prêter main forte aux autorités portugaises dans sa campagne de l'euro, je suis devenu ton apôtre, cher Wim. Ma hiérarchie, à Porto Alegre, me demande de faire des homélies monétaires pour sensibiliser mes ouailles. Figure-toi que mes sermons sont plus écoutés qu'avant! Et les fidèles se pressent, à la fin des messes, lorsque je leur montre des imitations des futurs pièces et billets en euros. Je dois organiser régulièrement des réunions pour répondre aux questions, mettre fin aux doutes, tranquilliser les esprits. Des retraités un peu perdus me demandent si leur pouvoir d'achat va baisser, s'ils pourront s'en sortir avec des billets inconnus, s'il sera moins cher de faire ses courses passé la frontière espagnole.

Par ici, la plupart des gens sont à la retraite. Beaucoup sont analphabètes. On m'assaille de partout; je dois rassurer dix fois, vingt fois.

Certains de mes gens ont été trompés. Des pécheurs sans scrupule leur ont échangé des liasses d'escudos contre des faux euros: on leur avait fait croire que leur bas de laine ne valait déjà plus rien. Mes fidèles ont tendance à placer l'épargne sous un matelas ou dans un tiroir. Je dois les conv