Dampierre, envoyé spécial.
Dix heures du soir, dans la salle des commandes de la tranche 1 et 2 de la centrale nucléaire de Dampierre (près d'Orléans). L'équipe du soir vient de prendre son quart de nuit. Dans un décor années 70, avec son mobilier vert pistache et ses néons rétros, un immense échiquier de lumières et de boutons clignote. Les cadrans de température et de pression sont les seuls à laisser échapper un léger ronronnement de satisfaction. Dehors, les quatre cheminées crachent leurs impressionnants nuages de vapeur d'eau. Par ce froid, la centrale bout à plein régime, pour alimenter en électricité ses trois millions de Français. Ce soir de décembre, l'ambiance est décontractée: aucune inspection n'est prévue. Depuis plusieurs semaines, les gendarmes du nucléaire français ont pourtant passé au peigne fin toute la centrale. L'Autorité de sûreté nucléaire, en charge de la surveillance du parc français, va maintenant rendre son jugement jeudi prochain. Et décider si, oui ou non, il faut fermer Dampierre ou lever sa mise sous surveillance renforcée.
Mouton noir. Le 28 septembre 2000, le ciel tombe sur la centrale. Ce jour-là, André-Claude Lacoste, le patron de l'Autorité de sûreté nucléaire, réunit tous les salariés dans le gymnase et menace. «Il a pointé son doigt vers la direction et tous les agents et il nous a dit: "Vous êtes responsables de cette situation"», se souvient Jean-Claude Bellin, opérateur à la maintenance. En deux ans, le nombre d'incidents a grimpé d'un