Strasbourg, de notre correspondante.
Euro ou pas, il est, dans le nord-ouest de la Lorraine, des milliers de salariés qui ont une conscience très précise du niveau respectif des salaires en France, en Belgique et au Luxembourg. Ce sont les 52 000 travailleurs qui bravent chaque jour les embouteillages aussi systématiques qu'exaspérants de l'autoroute A31 Metz-Thionville-Luxembourg pour rejoindre un emploi dans le grand-duché. Une infirmière hospitalière dans le secteur public, dix ans d'ancienneté, y gagne 3 300 euros brut par mois, contre 1 950 en France et 2 150 en Belgique. Un technicien électronique débutant, 2 300 eu ros, contre 1 300 en France. Un instituteur après quinze ans de carrière 4 200 euros, contre 1 900 en France. Quant au serveur de fast-food, il sera mieux traité en Belgique, où travaillent 2 800 Lorrains: 1 350 euros, contre 1 250 au Luxembourg et 1 050 en France (1).
Avec de tels écarts, les convertisseurs sont inutiles: «Il y a longtemps que les frontaliers ont l'habitude de jongler entre les francs belges et luxembourgeois d'une part, français d'autre part. L'euro n'y change pas grand-chose», note Philippe Faveaux, CFDT et président de l'IRS (Interrégionale syndicale des trois frontières), qui regroupe depuis plus de dix ans huit syndicats français, belges et luxembourgeois.
Dans ces conditions, bien avant l'euro, recruter une infirmière à Longwy (Meurthe-et-Moselle) relevait de la mission impossible. Le quart du personnel de l'usine Daewoo (environ 600 pe