Menu
Libération

La folie de Chronos

Article réservé aux abonnés
publié le 21 janvier 2002 à 21h45

Réglons nos montres. Quelle heure est-il à la vôtre? Ah, je retarde ou vous avancez... Ironie de l'époque, au moment où tout le monde réapprend à calculer en euro, voilà qu'il faut aussi réapprendre à lire l'heure. Les 35 heures ont déferlé en France ­ près de 7 millions de salariés concernés, soit 62 % des salariés à temps complet ­ et dans leur sillage tous les chronos se sont déréglés. Les temps sociaux se sont désynchronisés, les temps collectifs dérégulés, les temps libres étendus, les temps de travail individualisés et annualisés. Même les plus au fait de ces questions ne savent plus s'ils doivent parler de société à deux, trois, dix ou... 35 vitesses.

En version optimiste, la réduction du temps de travail a eu le mérite de redonner aux individus la maîtrise de leur temps, de reléguer ­ un peu ­ le travail au rayon accessoire. Mais en plaçant la question du temps au centre du débat sociétal, elle a agrandi la fracture entre les RTTisés et les autres, les libres de disposer de leurs récups et les contraints de les prendre au bon vouloir de leur patron, les bien lotis et les lésés. Conséquence, le sujet divise le monde du travail. Ceux qui au moment de l'instauration des deux lois Aubry de 1998 et 2000 étaient les plus réfractaires à l'idée de travailler moins, chefs d'entreprise, cadres sup', indépendants ou professions libérales, réclament aujourd'hui leur part de loisirs en plus. Des médecins aux fonctionnaires, en passant par les salariés des petites et moyennes entre