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Libération

«Le franc est notre langue maternelle»

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L'euro est bien passé dans notre porte-monnaie, mais pas encore dans notre tête.
publié le 29 janvier 2002 à 21h50

Hier, les Néerlandais ont chassé le florin. Dans trois semaines, le franc sera mis à son tour à la rue. A première vue, la transition s'est faite en douceur. Et mieux, dans l'europhorie. En France, les pouvoirs publics crient un peu partout cocorico. Mais ils se sont limités aux constats chiffrés: quasiment tous les paiements sont faits aujourd'hui en euros. Les psychologues, les sociologues et les gens de terrain sont, eux, beaucoup plus réservés, et leurs observations plus contrastées.

Jacqueline Barus-Michel, psychologue et professeur à Paris -VI, compare le passage à l'euro à l'apprentissage d'une langue. «Le franc est notre langue maternelle. Nous l'avons apprise par immersion.» D'où cette façon que nous avons d'évaluer spontanément le prix d'une robe en vitrine ou d'un kilo de poireaux au marché. «Les prix en francs nous disent instantanément quelque chose.» Mais les prix en euros nous posent les mêmes problèmes qu'un texte écrit dans une langue étrangère. Et tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité: «il y a ceux qui naissent avec l'euro, il y a les plus âgés, ou les moins mobiles. Certains ont besoin de traduire avant dans leur tête, alors que d'autres pensent et s'expriment directement dans la langue.»

Rejet. D'ailleurs, juge la psychologue, le désamour des centimes cache autre chose qu'une simple difficulté de manipulation. C'est la première manifestation d'un petit phénomène de rejet. Lors de l'introduction de l'euro, le 1erÊjanvier, l'aspect ludique l'a emporté