«Le capitalisme rhénan». Il fallait y penser. Lorsqu'il a écrit, en 1991, Capitalisme contre capitalisme, Michel Albert ne s'attendait pas à un tel succès. Président du groupe d'assurances AGF de 1982 à 1994, Michel Albert explique dans son ouvrage que le capitalisme n'est pas monolithique. Certes, le capitalisme anglo-saxon est tourné vers l'actionnaire, mais il y a aussi en Allemagne, dans les pays du Nord, et même au Japon, une autre forme de capitalisme qui place les salariés au centre du système. C'est «l'économie sociale de marché» que Michel Albert popularisera sous le nom de «capitalisme rhénan». Dix ans plus tard, le modèle anglo-saxon, grâce à la mondialisation, a gagné du terrain, en imposant la share holder value comme système de mesure de l'efficacité des entreprises. Membre du Conseil de la politique monétaire depuis 1994, Michel Albert, 72 ans, garde toute sa foi dans le modèle social allemand (1).
Quels ont été vos premiers contacts avec le capitalisme rhénan ?
J'ai découvert le modèle rhénan en 1990 le jour où les AGF ont pris 35 % de la deuxième compagnie d'assurances allemande AMB. Je garde physiquement en mémoire mon entrée dans la salle du conseil de surveillance. Il y avait une immense table rectangulaire avec vingt-quatre chaises, douze pour les représentants des actionnaires et douze pour les représentants des salariés. Parmi ces derniers, il y avait trois représentants syndicaux permanents, spécialisés dans les questions d'assurance. Ils étaient ultrac