Buenos Aires
de notre correspondant
«C'est insoutenable. On ne peut pas vivre comme cela.» Norberto, chauffeur de taxi, a 50 ans et les larmes aux yeux. Il se trouve tout au bout d'une file d'attente de cent mètres. Elle commence devant Casa Piano, le principal bureau de change du centre de Buenos Aires. Devant Norberto, il y a plus de deux cents personnes. «J'ai trois heures d'attente pour acheter 200 dollars. Si je ne les achète pas, les prix vont augmenter et mon pouvoir d'achat va diminuer. Si je les achète, je perds mon temps au lieu de travailler.»
Monte et descend. Tous les bureaux de change alentour sont pris d'assaut. Des milliers de personnes scrutent les tableaux lumineux qui affichent la valeur de la devise, se déplacent de l'un à l'autre pour comparer, s'interpellent, commentent. C'é tait hier la réouverture officielle du marché des changes, qui marquait le début du dollar unique et «flottant», après onze ans de parité avec le peso, un mois de dévaluation et une semaine de fermeture absolue du marché.
Dès sept heures du matin, les queues ont commencé à se former. A 10 heures, le dollar a pris son vol. De 2,15 pesos pour un dollar à l'achat, valeur d'il y a dix jours, il est passé à 2,20 puis à 2,30, à 2,40 et dans certains bureaux à 2,50. «A la place des gens, je serais prudent, déclarait alors Alfredo Piano, propriétaire du bureau de change le plus recherché. Au début le dollar monte, mais la banque centrale peut intervenir et le faire redescendre.» Puis le dollar