Menu
Libération

Dépression nippone

Article réservé aux abonnés
A Tokyo, la clinique du Dr Sekiya s'occupe des cadres malades de la crise asiatique. Hier surmenés mais fiers, ils sont aujourd'hui déprimés et honteux d'être sans travail.
publié le 18 février 2002 à 22h18

Assis sur une banquette en Skaï, l'homme triture le questionnaire que vient de lui remettre une infirmière. Ils sont cinq ou six, ce samedi matin, à patienter dans la clinique du docteur Toru Sekiya, dans le quartier de Hatsudai situé au centre de Tokyo. Tous sont des nouveaux patients, tous ont la quarantaine et tous hésitent à répondre aux questions écrites préliminaires aux consultations: «...prouvez-vous parfois l'envie de tout quitter?», «Ressentez-vous une profonde lassitude dès le lever?»... Dix interrogations très simples pour un premier test qui, le plus souvent, suffit à révéler les symptômes des nouvelles phobies qui font un ravage chez les cadres nippons. Les uns souffrent du «kitaku kyohi», la phobie du retour à la maison. Les autres du «shusha kyohi», la peur panique du retour au bureau. De nouvelles formes de dépression non plus liées au karoshi, le fameux surmenage qui faisait des ravages à l'époque de la bulle spéculative et financière, mais à la perte de repères engendrée par la crise, la montée du chômage, la précarité nouvelle de l'emploi et les exigences inédites de productivité dans les entreprises. Les victimes sont surtout les hommes, vu la présence encore limitée des femmes aux postes de responsabilité au Japon: «Les cas d'angoisse, de disparition, de réclusion volontaire sont de plus en plus nombreux et peu de praticiens sont formés pour les traiter», confirme Toru Sekiya, 71 ans, l'un des rares psychiatres nippons spécialisés dans le traitement des