Médecin du travail dans une grande entreprise publique, Alain Carré peut dater avec précision l'époque où il a vu poindre les premiers «problèmes». «C'était en 1990, quand le groupe a introduit le management participatif. Les gens ont commencé à se plaindre d'un mal-être. Cela allait du simple sentiment de ne pas être bien dans une équipe à la déprime, voire la dépression.» Autant de symptômes qu'il impute à cette organisation du travail en vogue dans les années 80. «Le management participatif repose sur l'autonomie de la personne. Cela implique le doute de soi dans un contexte de concurrence, explique-t-il. Ce système peut donner de bons résultats mais peut se révéler pernicieux quand les moyens ne sont pas adaptés.» Alain Carré estime que la majorité de ses patients souffre d'un «mal-être professionnel» (anxiété, déprime, insomnie, surmenage...). Chaque année, il détecte deux ou trois dépressions dues, selon lui, au travail.
Guérir plutôt que prévenir. Contrairement au Japon, la France connaît depuis plus de vingt ans cette souffrance liée à la perte d'un emploi, à la précarité, aux nouvelles organisations du travail (responsabilité individuelle, contraintes de temps, changement constant...). La prise de conscience s'est faite à force d'études, de livres, de films. Les langues se sont déliées, une souffrance jusque-là muette s'est verbalisée ces dernières années. Avec ce grand déballage de mots, la santé mentale commence à être prise en charge dans les entreprises. De grand