Marcel Goldberg est directeur de l'unité 88 de l'Inserm, qui a réalisé une importante étude sur l'amiante en 1996.
On sous-estime les maladies professionnelles, doit-on s'attendre à d'autres affaires comme l'amiante?
L'amiante avait des caractéristiques particulières. On savait depuis très longtemps qu'elle est cancérigène, les mesures correctrices ont été prises très tardivement. Et cela concerne énormément de gens. On découvrira certainement d'autres maladies professionnelles, mais peut-être pas à ce niveau de gravité. Par exemple, on sait que les TMS (troubles musculo-squelettiques) sont issus des contraintes au travail, de l'intensité des postes, que de nombreuses professions sont pourvoyeuses de ces maladies. Mais ce n'est pas aussi grave et spectaculaire que l'amiante. On parle aujourd'hui des éthers de glycol. Il nous manque encore des informations, même si des arguments vraisemblables nous alertent. D'une manière générale, nous sommes devant un immense iceberg de maladies professionnelles. Par exemple, on sait qu'il y a entre 5 000 et 10 000 cancers professionnels par an, seuls 500 ou 600 sont reconnus. C'est profondément ignoré des médecins eux-mêmes.
Cela signifie-t-il qu'inconsciemment nous admettons cet état de fait?
Oui. Il existe une tolérance sociale. Perdre sa vie au travail est considéré comme une fatalité, surtout quand on n'est pas concerné. Je suis persuadé que si des universitaires n'avaient pas été atteints par l'amiante à la faculté de Jussieu, on n'en aur