Aline, 42 ans, trie les vêtements au profit d'associations humanitaires.
«Sur les bennes en fer, c'est marqué "on crée des emplois". Mais il faut voir lesquels! Même l'inspecteur du travail a dit que c'était Germinal. Pourtant, on ne leur en veut pas. Les associations, elles, s'occupent de la collecte. Nous, on trie les vêtements. Et puis quand elles visitent, elles ne se rendent pas compte. Je commence à 7 heures. Une cloison à ma gauche, une à ma droite, et une trémie devant moi sur laquelle un robot déverse la marchandise dans un nuage de poussière. Je fais le "léger". Les fringues d'été. MinimumÊà trier: 500 kilos par jour. En dessous, on se fait engueuler. Au dessus, on touche quelques euros de plus par mois.
Du coup, ça crée une sale ambiance. Les filles se divisent en deux clans. Celles qui veulent dépasserÊle plancher, et celles qui accusent les premières de pousser les cadences. De toute façon, on est toutes à peu près au Smic. Et pour la prime d'ancienneté, au bout de vingt-trois ans, par exemple, je touche douze euros par mois...
Comme on a des quotas à faire, tout doit aller très vite. Les vêtements, il faut les attraper, les toucher pour reconnaître la matière puis les lancer dans les bacs. Il faut jeter, jeter, jeter, toute la journée. Ça paraît rien comme ça, mais plusieurs centaines de fois par jour, le geste finit par provoquer des élongations et des déchirures. On se cogne la tête, on se bloque des vertèbres. On se ruine le dos et les épaules. Dans l'entrepris