A la SNCF, ils sont, selon le cliché, à la fois les «seigneurs du rail» et les tenants d'un syndicalisme «catégoriel» peu préoccupés du devenir des autres collègues. Des cheminots à part en tout cas. «On ne peut comparer un conducteur et un sédentaire», affirme Michel Lasne, secrétaire général de la FGAAC, le syndicat autonome des conducteurs. En voulant dresser une base de travail aux négociations sur la réorganisation du métier, la SNCF a mené auprès des agents de conduite une enquête, inédite par son ampleur, qui livre des enseignements intéressants sur cette population. Plus de 25 000 questionnaires comportant une vingtaine de questions ont été envoyés, un véritable examen endoscopique. Près de 15 000 employés ont répondu, soit un taux de retour de 55 %. Qu'y trouve-t-on ? D'abord une étonnante confirmation : les conducteurs se sentent davantage appartenir à leur métier (43 %) qu'à l'entreprise SNCF (41 %).
Selon Michel Lasne, «le conducteur n'est pas au contact de la clientèle. On est à l'écart, tout le temps. En tête du train quand on bosse, dans les foyers quand on s'arrête. On est borné à notre activité, sans aucune vue d'ensemble sur le fonctionnement de l'entreprise. Le meilleur exemple, c'est qu'un conducteur de train de fret ignore parfaitement ce qu'il transporte». «C'est une vie assez asociale, solitaire, à la fois familialement et professionnellement», ajoute Philippe Floury, un des responsables de la traction à la CFDT. Jusqu'en 1 998, c'est même une direction