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Interview

«Ouvriers et employés ont de bonnes raisons de se sentir pris au piège»

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Faute de croissance forte, la classe populaire voit son avenir compromis. Louis Chauvel, sociologue, enseignant et chercheur
publié le 18 juin 2002 à 23h59
(mis à jour le 18 juin 2002 à 23h59)

Le citoyen désireux de comprendre pourquoi la France a subi l'assaut de l'extrême droite et a basculé à droite lira avec bonheur l'ouvrage collectif L'état de la France 2002 (1). Une forte section «enjeux et débats» permet d'appréhender certains «noeuds» au coeur de la crise sociale : fiscalité, retraites. Louis Chauvel, sociologue, maître de conférence à Sciences-Po Paris et chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques revient, lui, sur la stratification sociale.

Avec l'élection présidentielle, la France a semblé redécouvrir les classes populaires, la classe ouvrière en particulier. Pourquoi les avait-on oubliées ?

Dans les années 1980, on a enterré les classe sociales, en abandonnant l'usage du terme. Par exemple, le nombre des thèses de doctorat comportant le mot «classe sociale» dans leur titre, est alors divisé par trois. Des classes on a fait table rase, et on a laissé penser qu'on arrivait dans une société sans classe. Cette dynamique était pas qu'une construction intellectuelle. Elle était aussi le résultat de la croissance des «Trente Glorieuses», de 1945 à 1975. Pendant cette période, le pouvoir d'achat ouvrier a progressé de 4 % par an. Il a doublé en vingt ans, provoquant un «embourgeoisement de la classe ouvrière». Derrière l'outrance des mots, c'était aussi une réalité. La classe populaire, ouvriers et employés, connaissait un sort infiniment plus favorable que celui de ses parents, avec un doublement au moins de leur pouvoir