Delle (Territoire de Belfort), envoyée spéciale.
C'est la seule fille de la classe, blouse bleue «PME années 60», comme les garçons qui s'agitent autour d'elle. Dans un coin, Najelah, 18 ans, traîne, recroquevillée dans son grand corps épais. «Mon BEP, je ne l'aurai pas, je quitte l'école, je veux faire l'armée.» Elle économise ses mots, habituée à ce qu'on ne lui demande jamais grand-chose. «J'aimais bien le métier d'électricien, mais ça bloque, je ne sais pas, je ne suis pas faite pour l'école.» On balaie les bouts de fil électrique, les portes des casiers en ferraille claquent, le dernier cours BEP électrotechnique de la matinée prend fin, les examens sont pour bientôt. A côté de Najelah, sa copine Nora tente de la convaincre de continuer jusqu'au bac professionnel. Elle fait le dos rond. «T'es grosse comme ça, lui balance Nora, mais en fait t'es qu'une mauviette. Tu ne veux pas passer le bac, car t'as peur de l'échec. Si tu veux, je t'accompagne pour faire un dossier.» Najelah dit oui.
La caméra s'arrête, l'équipe de tournage souffle, la scène est réussie. En tournant un documentaire dans un lycée professionnel (1), le réalisateur Cyril Mennegun est allé voir ce que représentait le travail pour des élèves «orientés par l'échec». Lui aussi est passé par la filière professionnelle, un BEP vente. «Pendant des années, j'ai menti. Je disais que j'avais le bac. J'avais honte. A l'époque, on disait que 80 % d'une classe d'âge auraient bientôt le bac, mes copains le passaient et d