Isabelle Richet est professeur d'études américaines à l'université Paris-X Nanterre. Elle publie cette semaine un essai documenté intitulé les Dégâts du libéralisme, Etats-Unis : une société de marché (1). L'auteure de la Religion aux Etats-Unis revient sur le laboratoire de la révolution conservatrice qu'ont constitué les Etats-Unis à partir du milieu des années 1970. C'est alors que se produit, écrit-elle, «un assaut frontal contre l'ordre établi par le New Deal rooseveltien (...) qui avait permis l'établissement d'un contrat social garantissant une répartition un peu moins inégalitaire des fruits» de l'expansion d'après-guerre. Commence alors un processus qui va voir les Etats-Unis opérer une redistribution massive de la richesse en faveur des détenteurs du capital ; une précarisation croissante des salariés dans leurs conditions de travail, mais aussi d'existence à travers la privatisation de la protection sociale. C'est donc, selon elle, dans cette période d'une trentaine d'années qu'il faut chercher, avec le regard de l'historien, la genèse et les fondements de l'ébranlement que subit aujourd'hui la société américaine, devenue le prototype de la «société de marché». Un produit que certains rêvent d'importer en Europe.
Vous commencez votre livre par l'évocation de l'affaire Enron. Pourquoi ?
Tout simplement parce que l'affaire Enron est emblématique de ce à quoi conduit une société de marché, et même de ce qu'est la société de marché. Elle illustre ce qui peut advenir lor