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Libération
Critique

L'empire de l'absurde

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publié le 2 septembre 2002 à 0h50

Tout le monde a encore en tête les images épouvantables de l'explosion de la navette Challenger, le 28 janvier 1986, au-dessus de Cap Kennedy, à cause des joints «défectueux» des boosters. On se souvient moins que l'accident aurait pu être évité. Il était prévisible, et certains ingénieurs l'avaient même annoncé ! Des responsables s'étaient affrontés pour savoir s'il fallait ou non prendre un risque, et la décision de lancement avait finalement été prise, au mépris de l'opinion des responsables scientifiques, et dans une atmosphère d'empoignades, au cours du compte à rebours. C'est l'exemple d'une «décision absurde», sur lequel se penche avec brio Christian Morel, qui est par ailleurs un des grands responsables RH de Renault.

L'histoire de Challenger est accompagnée de onze autres cas, certains aussi dramatiques, comme celui d'un commandant de bord qui éteint en plein vol le seul réacteur de l'appareil en état de marche ! Ou bénin, mais fort répandu, l'usage obstiné de transparents illisibles dans les conférences et réunions. Le problème, explique l'auteur, c'est que ces décisions ne sont pas dénuées de rationalité, et interrogent évidemment les organisations : «La dimension profonde et durable de l'erreur est surtout alimentée par le système collectif», soutient Christian Morel. Mais c'est surtout dans «la perte de sens» qu'il faut chercher l'explication profonde à l'irruption de l'absurde. On lira, par ailleurs, avec bonheur un chapitre sur le dilemme de la réunion de trava