Jacques Diouf est directeur général de la FAO. Il dénonce, pour Libération, l'insécurité alimentaire dans le monde.
Vous parlez de situation inacceptable. Pourquoi l'est-elle aujourd'hui plus qu'hier ?
Parce que cela fait trop d'années que nous nous évertuons à tirer la sonnette d'alarme. Quand on a pris l'engagement de réduire de moitié à l'horizon 2015 le nombre de personnes qui ont faim dans le monde, certains trouvaient l'objectif trop timide ! Or, au rythme actuel, nous n'aurons réduit que de 10 % le nombre de sous-nourris d'ici 2015.
Comment expliquez-vous un tel échec ?
C'est simple : la lutte contre la faim n'est pas une priorité politique des pays riches. En dix ans, la part de l'agriculture dans leur aide publique au développement, déjà en forte baisse, a chuté de 50 %... Tout le monde parle de mobilisation pour la lutte contre la pauvreté, sans rien faire pour l'agriculture, alors que 70 % des pauvres vivent en milieu rural !
Les pays riches ont brillé par leur absence au sommet de la FAO, en juin. Y voyez-vous une hypocrisie ?
Il y a les promesses, et les faits. Seuls l'Italie, pays hôte, et l'Espagne, qui assurait la présidence européenne, étaient présentes au sommet. Deux semaines auparavant, la plupart des chefs d'Etat industrialisés s'étaient rendus à une réunion de l'Otan.
Pourquoi n'est-ce pas une priorité ?
Mais qui souffre de la faim ? Les pays du tiers-monde. Qui subventionne son agriculture à coups de milliards de dollars par jour ? Les pays riches. En même tem