Manche, mer du Nord envoyé spécial
Quelque part au large de Douvres. Temps doux et pluvieux, mer un peu formée. A bord du Saint-Josse-IV, on n'a pas le temps de parler de la réforme de la pêche européenne prévue par Franz Fischler, commissaire européen à l'Agriculture et à la Pêche (lire page 25). Elle est pourtant dans toutes les têtes. A commencer par celle de Michel Fournier, 50 ans, dont trente-cinq de pêche. Le capitaine du Saint-Josse-IV, un fringant chalutier boulonnais de 24 mètres sur 8, n'aime pas du tout qu'on se mêle de ses affaires du haut d'un bureau bruxellois. «Bon, c'est simple. Si Fischler fait sa réforme, on bloquera tout. Pour commencer, les ports de Boulogne et de Calais et le tunnel sous la Manche. Je ne vais pas me laisser dicter ma vie par un Autrichien qui n'a jamais vu la mer. Et il n'est même pas élu !»
«Les imbéciles». Ce bon catholique s'est très vite fait une religion sur la réforme vantée par la Commission européenne : elle est le diable incarné. A l'idée d'être forcé de moins pêcher ou que la réglementation très touffue de la pêche communautaire se complique encore, ce fils, petit-fils, arrière-petit-fils de marins-pêcheurs, et ainsi de suite aussi loin qu'il s'en souvienne, est fou de rage. Lui n'a qu'une obsession : «A la fin de la semaine, je dois faire 120 000 francs [18 300 euros] de chiffre d'affaires pour faire vivre ma famille et mon entreprise. Quand j'ai mon compte de poissons en cale, j'ai fini ma semaine. Et je n'ai aucune envie de p