Imaginons un livre dont toute photocopie serait prohibée, même pour son usage perso. Ridicule ? C'est pourtant ce qui risque d'arriver aux disques, films et autres livres numériques dans un proche avenir si l'avant-projet de loi du gouvernement Raffarin sur le droit d'auteur devient loi : le texte légitime les dispositifs techniques bridant la copie des oeuvres et interdit de les contourner. Résultat ? La fin du libre usage des disques ou films dont on a fait l'achat, ce que l'on appelle la copie privée.
Ce scénario est déjà à l'oeuvre sur les sites de distribution de musique en ligne des «majors». La copie privée y existe, en théorie, mais encadrée par la technique, codée dans la machine par la Lex Informatica et selon les règles établies par le marchand : sur Pressplay (la plate-forme lancée par Universal Music et Sony), par exemple, le client peut écouter en mauvaise qualité autant de morceaux qu'il veut. Mais ne peut en graver qu'un nombre limité sur CD. Et pas plus d'une fois. Bref, l'auditeur doit payer pour chaque usage. C'est nier le fait que «toute écoute provoque une pulsion de partage, d'échange», comme le rappelle le musicologue Peter Szendy. Une caractéristique qui distingue (encore) les biens culturels des marchandises lambda, comme les chaussures ou les brosses à dents.
Le texte du gouvernement va donc encourager la marchandisation de la culture. Et c'est le résultat de beaucoup d'hypocrisie. Hypocrisie du gouvernement, d'abord, qui dans le même mouvement préten