On parle rarement d'eux au féminin, mais les ouvriers sont aussi des ouvrières. Même si elles ne représentent que 20 % des effectifs, les femmes travaillant en usine existent bel et bien. Problème : on ne les «voit» pas. «Si l'on a tendance à pouvoir plus facilement identifier les hommes ouvriers, les femmes ouvrières s'invisibilisent, s'échappent de la catégorie», écrit la revue Travail, genre et sociétés. Publié par le Mage, groupement de recherche du CNRS spécialisé dans les questions de genre sur le marché du travail, le titre consacre son dernier numéro aux ouvrières (1), façon de leur redonner de la visibilité. Pour cela, le Mage a compilé une série d'études réalisées par les meilleurs spécialistes : conditions de travail avec Serge Volkoff et Michel Golac, ou les incontournables Stéphane Beaud et Michel Pialoux sur le recrutement de jeunes femmes par Peugeot pour ses ateliers.
A l'usine, les ouvrières ont une place bien particulière. Elles sont surreprésentées dans le travail à la chaîne. Même si elles n'assurent qu'un cinquième de la main-d'oeuvre ouvrière, elles fournissent 43 % des bataillons qui travaillent en cadence forcée. «Contrainte, répétitivité, isolement : ces traits caractérisent peu ou prou le travail des femmes ouvrières», écrivent Serge Volkoff et Michel Golac.
Aux hommes sont réservés les emplois durs physiquement, salissants ou dangereux. Des tâches conformes au stéréotype de l'ouvrier viril. «La domination masculine se retourne ici contre les hommes»,