Menu
Libération

Les pièges du «tout harcèlement »

Article réservé aux abonnés
publié le 24 février 2003 à 22h35

Ces dernières années, le harcèlement moral a pris tant d'ampleur dans les conversations et les préoccupations du monde du travail que le mot en est devenu suspect. A côté de vrais conflits relevant de la perversité d'une relation «bourreau-victime», trop de salariés invoquent le terme à la moindre altercation avec leur chef.

Avec la promulgation d'une loi en janvier 2002 condamnant le harcèlement moral, certains se sont embarqués sur le terrain judiciaire. Des victimes s'épuisent à prouver leur bonne foi, les bourreaux leur bonne conduite, et la justice ne se dépêche pas de trancher des «bâtons merdeux». Pourquoi des situations de souffrance, qui d'ordinaire entraînent la compassion, sèment-elles le doute dans les esprits ? Dans un article publié dans la revue Débat (1), le sociologue Jean-Pierre Le Goff (2) a entrepris de décortiquer la notion, fournissant des explications éclairantes.

Avec le harcèlement moral, le psychologique ­ qui envahit déjà nos vies quotidiennes ­ a fait son entrée dans l'entreprise. En lançant le phénomène en 1998, le livre de Marie-France Hirigoyen «reflète un nouvel "air du temps "marqué par la psychologisation et la victimisation», analyse Jean-Pierre Le Goff.

Avec le harcèlement moral, on ne parle plus du monde du travail en termes d'«aliénation et d'exploitation» mais de «souffrance». Cette «nouvelle alliance entre psychologie et morale» constitue «un tournant dans l'abord du travail et des rapports sociaux», remarque le sociologue. Une grille de