«Il est entré dans mon bureau et il a dit : "Je veux mourir, je n'ai plus de goût à rien." Pourtant c'était un homme heureux dans son couple, qui venait d'avoir un enfant.» Jeanne (1) est médecin du travail à France Télécom, dans un centre de l'est de la France. Des dépressions liées aux restructurations et aux changements de métier, elle en voit «des dizaines par an». L'homme effondré à sa consultation était agent des lignes, «sans aucun antécédent dépressif, toujours jovial». On lui a annoncé sa mutation comme commercial dans un centre d'appels. «Il était extrêmement fier de son métier, un métier d'action, autonome, où on vole au secours des communications», poursuit Jeanne. «Il m'a dit : "Rester assis huit heures par jour enfermé, c'est au-dessus de mes forces, je préfère disparaître."»
Un peu partout en France, dans les centres et agences France Télécom, on retrouve les mêmes symptômes. «Démotivation, stress, agressivité, dépression», énumère le médecin d'une unité de la région parisienne. «Perdre son métier, même si on ne perd pas son emploi, c'est faire le deuil d'une raison d'être», explique-t-il. Surtout pour les techniciens, qui ont construit le réseau, et qui étaient, jusqu'aux années 80, les «stars» de l'entreprise. «Avec l'externalisation et la gestion informatique, ils ne sont plus que de simples exécutants, poursuit le médecin parisien. Un technicien m'a dit un jour : "Avant, on était des dieux. Maintenant, on est des bâtards."»
Syndicats et médecins ont tiré l'a