Laurence, 40 ans, est chirurgien à l'hôpital.
Elle n'emploie jamais le mot chirurgienne, qui, dans les salles de garde, rime avec chienne.
«Quand j'ai débuté il y a plusieurs années, je me suis tout de suite sentie à l'aise dans ce métier. La chirurgie est un métier conduit par des valeurs masculines. Les chirurgiens veulent toujours être les meilleurs, savoir qui opère le mieux, qui "pisse le plus loin". Il n'y a pas de réelle misogynie mais jamais de remise en cause de cette culture. Nous, nous leur disons ainsi que de plus en plus de jeunes hommes qu'on s'en fiche de savoir qui pisse le plus loin. Dans cet univers, je pense que ma taille je mesure 1m80 m'a servie. Je suis plus grande que certains chirurgiens, cela joue dans le rapport d'égalité que j'établis.
«C'est en devenant chef que les difficultés sont apparues. Mon problème était de trouver ma place. Enceinte, je devais aller travailler dans un service où l'ordre est maintenu par la peur du chef. Ambiance quasi militaire avec des horaires très lourds, 7 h 30 du matin-20 h 30 le soir, sans compter les gardes. Un ami, que je ne peux pas soupçonner de misogynie, m'a dit : "Mais enceinte, tu ne peux pas aller dans ce service." J'ai douté. Est-ce que je faisais le bon choix ? Est-ce que j'allais devenir un mauvais chirurgien si je n'acceptais pas ce poste ? Ou bien finir seule, boutonneuse, déprimée ? Avant de dire oui, je suis passée par une drôle de remise en question. Je ne savais pas quoi faire, je n'avais pas d