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Libération
Interview

«La notion de créateur s'élargit.»

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Pierre-Michel Menger développe l'idée que la création est un laboratoire pour les nouvelles formes de travail.
publié le 17 mars 2003 à 22h07
(mis à jour le 17 mars 2003 à 22h07)

Sociologue du travail et des arts, Pierre-Michel Menger est chercheur au CNRS et enseignant à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il vient de publier Portrait de l'artiste en travailleur (1).

La créativité est-elle le nouveau mot d'ordre du monde du travail ?

Je pense que les activités de la création artistique ne sont plus l'envers frivole du travail, mais sont au contraire de plus en plus revendiquées comme l'expression la plus avancée de nouvelles organisations de travail. Aux côtés des scientifiques, les artistes passent pour le noyau dur de cette «classe créative». La créativité s'infiltre dans le travail, au mieux comme réalité ou, au pire, comme injonction. Loin des représentations romantiques ou contestataires de l'artiste, le créateur est aujourd'hui l'incarnation possible du travailleur du futur, ce professionnel inventif, mobile et motivé, pris dans une économie de l'incertain. C'est dans les paradoxes du travail artistique que se révèlent quelques-unes des mutations les plus significatives du travail : fort degré d'engagement, autonomie élevée, flexibilité acceptée, voire revendiquée, arbitrages risqués entre gains matériels et gratifications non monétaires, utilisation stratégique du talent. Dans le monde du travail, ces valeurs s'expriment dans l'allégorie du «professionnel», travailleur hautement qualifié employé par les industries de haute technologie, dans les activités d'expertise (droit, finance, gestion...), la recherche, le sec