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Libération

«Dès qu'ils sont ensemble, ils deviennent grossiers»

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par Mélina GAZSI
publié le 24 mars 2003 à 22h19

Patricia, 54 ans, travaille sur le marché de Rungis.

«Depuis bientôt trente ans, je m'occupe de la comptabilité, des relations fournisseurs et clients chez un grossiste en viande. Rungis est le plus grand marché de gros en produits frais au monde, sans équivalent en tonnage et en chiffre d'affaires. Sans équivalent non plus sur le plan des conditions de travail. Jusqu'ici, je prenais mon service à 5 h 30 du matin et travaillais jusqu'à 13 ou 14 heures. Il fallait attendre que les vendeurs aient écoulé le maximum de marchandise. Puis, un beau jour, il y a deux ans, le patron a décidé de changer l'organisation du travail. Résultat des courses, j'ai dû venir deux à trois fois par semaine à deux heures du matin pour former la caissière nouvellement embauchée, sans aucune contrepartie de salaire ou de récupération. Puis cet arrangement provisoire est devenu définitif : j'ai été sommée de prendre mon boulot tous les jours à 2 h 30 le matin et de travailler jusqu'à 17 h 30. A prendre ou à laisser.

Rungis, c'est vraiment une autre planète. Non seulement on y travaille la nuit, mais essentiellement avec des hommes. Et, ici, les hommes sont les rois, plus que partout ailleurs. Des hommes formés à l'ancienne, qui n'ont pas vu que la société évoluait. J'en sais quelque chose, j'avais 20 ans quand j'ai commencé à travailler ici. En 1969, il n'y avait pas de femmes, surtout chez les bouchers. Aujourd'hui, la situation n'a guère bougé. Dans ma boîte, nous sommes deux femmes pour treize homme