Pendant plus de trois mois, la mesure fut gardée secrète. «Comme un pistolet chargé sur la tempe. Tirera ? Tirera pas ?», raconte un économiste algérien. Le 27 novembre, la Banque nationale d'Algérie (BNA) décide de bloquer pour malversation les transferts de capitaux vers l'étranger de El Khalifa, l'établissement privé le plus important du pays. Ce n'est pas à la légère qu'on décide d'exploser la plus séduisante vitrine dont pouvait rêver un régime accusé d'exactions dans une Algérie laminée par dix ans de sale guerre et près de 200 000 morts ; un Bill Gates à l'algérienne, qui trinque au champagne avec Gérard Depardieu.
Cette image vient de voler en éclat sous une rafale de mesures administratives et judiciaires. Rafik Abdeloumene Khalifa, 36 ans, propulsé à la tête du premier empire privé d'Algérie, ne quitte plus Londres depuis deux mois. «Il sait très bien qu'à Alger, il sera croqué vivant, dit un proche du dossier. Ceux qui l'ont protégé des années, lui donnant les passe-droits, masquant les embrouilles, sont ceux qui l'étranglent aujourd'hui. Le coup est d'autant plus violent qu'eux-mêmes ne pensaient pas le donner si vite. C'est la plus effrayante partie de Monopoly que j'aie vue.»
«Le profil du pigeon»
Devant les guichets de la banque Khalifa, dans les grandes villes, des milliers d'Algériens, canalisés par la police, tentent depuis quinze jours de savoir s'ils sont ruinés. «Khalifa, c'était le loto, raconte un spécialiste. Un taux d'intérêt de 10 % à 20 %, trois fois