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Le réveil de la sieste

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Prôné par les médecins pour son efficacité, le somme après repas reste tabou en entreprise, sauf exception. Des précurseurs l'ont érigé en méthode de management. Visite en Europe, aux Etats-Unis et au Japon.
publié le 12 mai 2003 à 22h58

Philippe Cabon est un homme sérieux. Universitaire, ergonome, spécialiste des problèmes de santé au travail. Pourtant, lorsqu'il présente, en conférence, ses travaux sur la sieste des pilotes de ligne, c'est toujours la même réaction : hilarité générale. «Au moment où s'affiche la photo du pilote qui dort, la salle s'esclaffe, soupire-t-il. On trouve ça comique, limite obscène, de dormir au travail. Alors que c'est parfois une question de vie ou de mort.» La centrale de Tchernobyl, le pétrolier Exxon Valdez, la navette Challenger : on ne compte plus, si on cherche une démonstration par l'extrême, les accidents du travail dramatiques liés à un problème de somnolence. «Mais quand on parle sommeil aux entreprises, ils nous prennent pour des rigolos, regrette André Olivier, professeur en ressources humaines à l'université Paris-V et président de l'association Sommeil et santé. La sieste du salarié, en France, c'est un sujet tabou.»

Les spécialistes ne manquent pourtant pas d'arguments. Les travaux de Philippe Cabon au sein du laboratoire d'anthropologie appliquée de l'université Paris-V prouvent qu'un repos de vingt minutes réduit considérablement le risque, pour un pilote de ligne, de piquer du nez en vol. Une autre étude, réalisée par la Nasa, montre que quarante minutes de repos au coeur d'une journée de travail augmentent de 34% les performances d'un individu. Selon le centre du sommeil de l'Hôtel-Dieu à Paris, 25 % de la population française souffre d'insomnies plus ou moins