A Air France, on les appelle le «village gaulois». Parfois, on dit juste «les fous». Tous les jours, à 10 h 50, dans leurs bureaux près des pistes de Roissy, l'activité s'arrête. Cadres, secrétaires, techniciens, tous ont le nez au carreau, pour «le» voir passer. Même chose à 17 h 45. Si l'un est au téléphone, il interrompt la conversation : «Ecoutez, chut, se voit intimer l'interlocuteur. C'est le moment de grâce, vous entendez, c'est lui.»
«Lui» : 90 tonnes de ferraille capables de faire fondre en larmes le plus rugueux des pilotes, de faire trimer «soirs, week-ends et congés» les mécanos, de hanter les rêves des hôtesses et stewards. Concorde. Dans cinq jours il cessera de voler. Jean-Cyril Spinetta, PDG d'Air France, l'a annoncé le 10 avril dernier. Cinq mois plus tard, le 31 octobre 2003, ce sera la même chose à British Airways. Le supersonique ira au musée. Et eux ?
A Air France environ 250 personnes travaillent sur les cinq appareils Concorde : 147 techniciens d'entretien, 76 PNC (personnel navigant commercial hôtesses, stewards et chefs de cabine), 12 commandants de bord, 11 copilotes, 13 mécaniciens navigants. Rapportés à l'ensemble des effectifs de la compagnie 12 000 PNC, 4 000 pilotes et commandants de bord, 4 700 mécaniciens c'est une «goutte d'eau», une «petite famille». «On a des liens à part, explique Hubert Protin, responsable de production, numéro deux du département maintenance. Comme on est peu nombreux, ça crée une ambiance particulière. Tout le mond