Les polémiques multiples sur le champ de ce qu'il faut breveter s'accompagnent d'une explosion du nombre de brevets attribués. La frénésie de dépôts par les firmes est hallucinante : 344 000 demandes de brevets ont été déposées aux Etats-Unis en 2001, 45 % de plus qu'en 1997. En France, on passe sur la même période de 112 000 brevets demandés à plus de 160 000 : +43 %. Un rapport du Conseil d'analyse économique (CAE), organisme rattaché à Matignon, rendu public il y a peu (1), énumère les conséquences de cette explosion, de la recherche entravée (l'institut Curie en France conteste par exemple un brevet sur le cancer du sein possédé par l'américain Myriad Genetics) aux positions dominantes confortées et bloquant la concurrence. «Le système de protection de la propriété intellectuelle par des brevets tel qu'il fonctionne dans les pays développés est malade», estiment les auteurs. «En l'espace de vingt ans, on est passé de la présomption que le brevet devait être l'exception à la situation inverse où la propriété intellectuelle est devenue la règle, indique l'économiste Daniel Cohen dans le rapport du CAE. Cette situation est dangereuse.»
Des critiques économiques auxquelles s'ajoutent des réserves plus morales mises en avant par les détracteurs d'une extension trop large du système des brevets. Avec les brevets sur les gènes, c'est la privatisation du vivant qui dérange. Avec les logiciels, c'est la privatisation du savoir. L'économiste Bernard Caillaud se montre très critique