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Libération
Interview

Michel Rocard «Tout le monde se copie et c'est bien ainsi»

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Michel Rocard s'oppose à la brevetabilité des logiciels:
publié le 30 juin 2003 à 23h36

On ne trouve pas d'ordinateur sur le bureau parisien de Michel Rocard. Il l'admet volontiers : il n'est pas «de la génération qui a une pratique facile de l'ordinateur». Président de la Commission de la culture au Parlement européen, il a pourtant dû se plonger, avec un «mal fou», dans la brevetabilité des logiciels, «des mots qui étaient pour moi inconnus il y a encore un an». Aujourd'hui, s'il en parle avec autant d'animation, c'est que derrière les aspects techniques se cache un vrai sujet de civilisation. Pour l'ex-Premier ministre, l'introduction de brevets sur les logiciels en Europe serait «très grave». Elle remettrait en cause la libre circulation du savoir humain. Jusqu'à présent, les logiciels sont officiellement exclus du champ de la brevetabilité en Europe, tout comme les équations mathématiques ou les recettes de cuisine. Depuis plusieurs mois, un projet de directive très polémique est soumis aux institutions de l'Union européenne et vise à modifier ce régime. Il sera soumis au vote du Parlement européen début septembre.

Pourquoi estimez-vous que l'Europe ne doit pas autoriser les brevets sur les logiciels ?

Depuis la grotte de Lascaux, il n'est pas sûr que l'humanité ait progressé dans ses capacités esthétiques. Quant à ses capacités éthiques et morales, on s'entre-tue toujours autant. En revanche, dans le domaine du savoir technique et de la maîtrise de la nature, les progrès sont foudroyants. La croissance vertigineuse du savoir est la clé de cette histoire. Le savoir s'est répandu par la copie, tout le monde a recopié tout le monde, et c'est bien